Fantasy
Anthologie
couverture de Jean-Jacques Chaubin
Editions Fleuve Noir, 72 FF, 475 pages

A la santé d’Alcofribas Nasier...

ça va saigner !

A ma droite, l’acide, fumant, attend que j’y trempe ma plume pour mordre le papier. Pour une critique, mutants, vous allez être servi.

Alors, cet ouvrage, quel est son titre déjà ? Fantasy. Bon...

L’illustration de couverture représente une femme harnachée d’une armure, tenant une épée. Quand nous épargnera-t-on enfin les clichés virilité guerrière - grosse épée déclinés au féminin ?

Non, mais ! Cette fois-ci, il s’agit d’être ferme. D’ailleurs, ce pavé de 475 pages, présenté par Henri Lœvenbruck et Alain Névant ne semble pas traditionnel : c’est une anthologie 100% pure fantasy francophone.

Ne nous laissons pas apitoyer... Je sais bien que mes deux dernières critiques étaient trop gentilles, un rien mièvres et par trop positives, mais pour l’heure, j’ai promis au chef de rubrique de me reprendre, de ne rien laisser passer, d’être impitoyable.

Les nouvelles, au nombre de 18, prennent indifféremment leur source dans la plume d’auteurs connus et inconnus. On pourra citer (dans un ordre aléatoire) Pierre Pelot, un conteur moderne, Bernard Werber, démocrate à succès d’une SF savoureuse et grand public, Jeanne Faivre d’Arcier, un auteur écarlate avec sa trilogie rouge sang, Richard Canal, un informaticien en IA prolixe en nouvelles et romans, Valérie Simon (cycle d’Arkem), Laurent Genefort (souvent sci-fi), une kyrielle d’enfants de Mnémos (les éditions fantasy issues du jeu de rôle) avec le fondateur d’abord, Stéphane Marsan, mais aussi Pierre Grimbert, Mathieu Gaborit (les rôlistes lui doivent Ecryme), Fabrice Colin (Arcadia) et David Calvo... Mille excuses aux auteurs non cités, ils sont encore pléiade; comprenez par là sept poètes. Quant à la qualité des récits, OK, personnellement j’adore. Mais cela n’a rien d’évident. En effet, toute personne trouvant ridicule Tolkien, se barbant à lire Jack Vance ou Stefan Wul reléguera allègrement aux oubliettes cette littérature pour se consacrer à Télérama, OK Podium ou David Eddings (oups, j’ai encore gaffé). Bref, il y en a pour tous les goûts, en sachant qu’au pire, cela reste le meilleur. Pour preuve, j’en veux "Le Dragon des brumes" de Thomas Day qui nous fais amèrement regretter de quitter si tôt une histoire passionnante, "Le Conte à rebours" d’un Werber pétillant et iconoclaste des nouvelles surannée, "Histoire de Razörod le Serpent" de Valérie Simon, un conte à la malice toute féminine, ou bien encore "Conte de neige et de sang" de J. Faivre d’Arcier qui a le mérite de nous rapporter les dernières aventures de Mara (cf La déesse écarlate) dans un engagement très politique... Mais ce choix n’a rien d’immuable et aucun de ces récits n’est à manquer.

Non contents de nous offrir leur sélection, les anthologistes y vont de leur plus belle plume pour une édifiante postface. L’éclectisme y est de rigueur puisque l’analyse se porte sur un plan historique - en rappelant par exemple un des premiers auteurs français de fantasy, Rabelais (à l’anagramme d’Alcofribas Nasier) - sur un plan médiatique - en recherchant partout où se cache la fantasy, évoquant BD, films - mais c’est surtout une crise d’identité dont il s’agit puisque nos deux compères dénoncent la non-reconnaissance du genre et se posent en rédempteurs, pour notre plus grand plaisir, grâce à cet ouvrage. En bref, une postface remarquable à tous points de vue !

Quel argument va-t-il donc me rester pour signer une critique cinglante ? Le prix peut-être... 72 Francs (calculez vous même en Euros) soit trois oreilles d’orc et deux cheveux de fée, pas de quoi fouetter un dragon.

Soit ! Je m’incline : procurez-vous vite cet ouvrage, ça n’est pas que culturel, c’est du bonheur...

Sébastien "855"

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